05-01-2023. Article publié dans Québec Franchise, par TAREK YAZIDI, rédacteur en chef du Magazine Québec Franchise.
Le modèle d’affaires de la franchise ne cesse de prendre de l’importance dans les différents marchés américains et internationaux. L’efficacité du modèle et la synergie créée entre deux partenaires d’affaires réduisent drastiquement le risque de faillite des franchisés membres d’un réseau de franchise solide et augmentent par le fait même leur chance de réussir en affaires. Cependant, la fusion-acquisition entre les réseaux de franchise est un phénomène nouveau qui prend de plus en plus d’importance. Le marché des fusions et acquisitions était très robuste pour le franchisage de 2012 à 2015. Dans cette période, il y a eu plus de 200 acquisitions dans l’industrie de la franchise.
Au Canada, la plus grande transaction était celle de l’achat de la chaîne Burger King par Tim Hortons en 2014 pour 11 milliards de dollars. Cette transaction lui a permis de devenir le troisième plus grand réseau de restauration au monde, après le réseau de franchise McDonald’s et Yum! Brands (Pizza Hut, PFK et Taco Bell).
L’implication de l’investisseur américain Warren Buffett témoigne de l’importance de ce genre de transaction dans le monde de la finance aux États-Unis et dans le monde. Ce dernier avait acheté pour 3 milliards de dollars d’actions de la nouvelle entreprise constituée suite à l’acquisition, et il a ainsi financer la transaction.
La célébrité des transactions d’acquisition des réseaux de franchise à travers le monde depuis le début des années 2012 ont aussi touché le monde du franchisage au Québec. Nous allons énumérer les transactions les plus connues dans le domaine ayant impliqué un franchiseur québécois ou des franchisés québécois depuis 2016.
En 2016, le groupe Cara (aujourd’hui devenu Recipe) gère plusieurs bannières de franchise au Canada anglais, dont Harvey’s et Swiss Chalet, fait l’acquisition du fleuron québécois la Rôtisserie St-Hubert. Dans la même année, le géant Lowe’s acquiert les quincailleries Rona.
Le Groupe MTY, une entreprise montréalaise cotée en bourse qui se spécialise dans la gestion des réseaux de franchise dans le domaine de la restauration, n’a cessé de grandir via l’acquisition de réseaux concurrents depuis 2015.
En 2017, le Groupe MTY fait l’acquisition de Steak Frites, Giorgio’s, Houston Avenue Bar & Grill, Industria Pizzeria & Bar et Dagwoods.
En 2018, le Groupe MTY a finalisé l’acquisition d’Imvescor en ajoutant les marques Bâton Rouge, Scores, Ben & Florentine, Pizza Delight et Mikes à son portfolio, ainsi que Timothy’s World Coffee et Mmmuffins. En 2019, le groupe MTY a acquis Papa Murphy’s, l’une des plus grandes bannières de pizza en Amérique du Nord, ainsi que la chaîne québécoise Yuzu Sushi.
Foodtastic est une autre entreprise québécoise qui gère plusieurs réseaux de franchise concurrentes au Groupe MTY. Foodtastic a aussi amorcé sa croissance via l’acquisition des réseaux de franchise.
De 2018 à 2021, Foodtastic a acquis les réseaux suivants : Enoteca Monza Pizzeria Moderna, Au Coq, Chocolato, La Belle & Le Bœuf, Nickels, Bacaro, Souvlaki Bar, et très récemment, Second Cup.
En 2018, Métro Inc. a fait l’acquisition du réseau des pharmacies Jean Coutu.
Impact de l’acquisition sur les franchisés du réseau
Le système de franchise se caractérise par le fait que ses « clients » immédiats sont les franchisés eux-mêmes qui, à leur tour, servent les consommateurs. L’une des principales devises du franchisage est en effet celle du partenariat à but lucratif entre le franchiseur et les franchisés.
Les vertus de la dynamique de ce partenariat sont essentielles à la réussite d’un système de franchise : le franchiseur doit concentrer entièrement ses efforts pour servir les franchisés, développer et maintenir le système compétitif, ainsi qu’assurer la bonne réputation de la marque.
Bien qu’il n’y a aucune obligation légale d’informer les franchisés des activités potentielles de fusions et acquisitions, ni une obligation d’avoir leur approbation avant que la transaction ne soit terminée, il est judicieux de les tenir au moins quelque peu informés. Une solide relation avec les franchisés et une bonne communication sont deux éléments clés de tout système de franchise qui réussit à long terme.
Un franchisé adhère à un réseau de franchise et y investit son temps et son capital, car il a adhéré à la culture de ce réseau, aux objectifs à atteindre. Il suit ainsi à la lettre les consignes de son franchiseur et exécute sa partie managériale de la relation d’affaires avec le franchiseur, avec beaucoup de dévouement et de disciplines de réseau.
Si le franchiseur prend une décision stratégique très importante qui va affecter toutes les opérations du franchisé et qui changera très certainement la culture et les objectifs du réseau, sans consulter ses franchisés, cela crée un sentiment de mécontentement, voire de trahison chez les franchisés du réseau, même si par après ces derniers réalisent qu’il y a des retombées économiques et managériales positives sur leurs établissements franchisés.
Ce sentiment affecte négativement la confiance des franchisés envers leur franchiseur, ainsi la communication entre eux et par l’effet même l’ambiance générale du réseau.
Recommandations
Nous voulons émettre quelques recommandations afin de remédier aux inconvénients de la transaction de fusion- acquisition, afin de réduire l’impact négatif sur l’ambiance générale au sein du réseau, c’est-à-dire entre le réseau acquis et ses franchisés.
Nos recommandations se feront de façon évolutive, c’est-à-dire du minimum qu’un franchiseur qui a l’intention de céder son concept peut faire pour réduire l’impact négatif sur sa relation avec ses franchisés, au maximum que le franchiseur peut faire pour démontrer sa bonne foi de garder une excellente relation avec ses franchisés après la transaction :
1- Informer par écrit tous les franchisés du réseau six mois d’avance de son intention de céder le réseau de franchise à une autre compagnie et expliquer les avantages éventuels de cette transaction sur les franchisés.
2- S’entretenir individuellement avec chaque franchisé en personne ou à distance afin de l’informer de l’éventuelle transaction, de lui expliquer les retombées économiques et managériales sur son établissement franchisé; le rassurer sur le fait que le franchiseur fera tout son possible pour maintenir la culture du réseau et les objectifs auxquels le franchisé a adhéré dans le début de son aventure avec ce réseau.
3- Après avoir informé les franchisés de son intention de céder le réseau à une autre entreprise et les explications des impacts positifs sur ses franchisés, le franchiseur pourra faire un sondage auprès de ses franchisés afin d’étudier les craintes qu’ils ont face à cette transaction et s’ils sont d’accords d’embarquer dans cette nouvelle aventure. Par la suite, le franchiseur pourra s’entretenir avec chaque franchisé afin de lui répondre sur ses contraintes et d’essayer de le convaincre sur les impacts positifs de cette transaction sur son établissement.
4- Après avoir fait notre deuxième recommandation, le franchiseur passe à un vote auprès de ses franchisés. Selon le vote de la majorité des franchisés, il prendra la décision de céder son réseau de franchise ou non.
5- Pour montrer sa bonne foi, le franchiseur informera ses franchisés dès la négociation du contrat de franchise ou au renouvellement du contrat de franchise, qu’il y aura l’éventualité future de céder son réseau ou de fusionner avec un autre réseau. Ainsi, le franchisé est au courant avant même de signer le contrat de franchise et il est d’accord sur ce point dès le début.
6- Le franchiseur introduira dans son contrat de franchise qu’il ne pourra céder son réseau de franchise ou fusionner avec un réseau de franchise que si les deux tiers (2/3) des franchisés sont d’accords, à l’issue d’une séance d’information sur les avantages et les inconvénients de cette transaction, ainsi qu’un vote.