CAHIER SPÉCIAL FRANCHISE – JOURNAL LES AFFAIRES – 19 FÉVRIER 2025 rédaction:  Philippe-Jean Poirier

Embaucher des employés, faire sa comptabilité, gérer des inventaires… Les propriétaires d’une franchise ont les mêmes responsabilités que les autres entrepreneurs de l’industrie du service. (Photo: Kyle ­Ryan ­pour Unsplash)

FRANCHISES. Si la franchise est souvent présentée comme un « entrepreneuriat encadré », il ne faut pas sous-estimer les obligations et le travail qu’un tel projet implique. Tour d’horizon des questions à se poser et de l’expertise à aller chercher avant d’entreprendre un tel projet.

« Le franchisé, il ne faut pas qu’il se magasine un emploi, c’est un projet d’affaires », prévient Rosanne Giguère, vice-présidente d’À la Bouffe, une entreprise qui gère 52 Subway à titre de « multifranchisée » et qui est propriétaire « franchiseuse » des restaurants SushiTaxi depuis 2022. Elle parle d’expérience : en 2019, l’avocate spécialisée en droit transactionnel s’est jointe à l’entreprise de son père (alors propriétaire franchisé de 30 Subway) pour faire l’acquisition d’un groupe de franchises Subway à Montréal. « Devenir franchisé, ça demande de la résilience, de la créativité, de la détermination et d’être passionné par ce qu’on fait, pour surmonter les défis qui vont se présenter », dit-elle.

Comme dans tout projet entrepreneurial, il faut savoir bien s’entourer. « C’est important d’embaucher son propre comptable, son propre avocat, son propre conseiller en management certifié (CMC), spécialisé dans la franchise », explique Georges Sayegh, consultant en franchisage, lui-même Fellow CMC. Ces experts aideront le futur franchisé à poser les bonnes questions au franchiseur : celui-ci a-t-il fait une étude de marché pour la localisation proposée au franchisé ? A-t-il de l’expérience pour gérer la construction d’un espace commercial, pour négocier des baux, pour former et approvisionner ses franchisés ? « Je viens de finir de rédiger les manuels du franchisé et du franchiseur pour une entreprise du domaine médical et il compte 1150 pages. Ce n’est pas une petite affaire. »

Bien se connaître

Lorsqu’il accompagne un futur franchisé, Georges Sayegh commence toujours par faire un profil de compétences : le candidat est-il un bon gestionnaire, sait-il comment communiquer avec des employés, peut-il lire des états financiers, analyser la gestion des inventaires ? » Par la suite, selon les bonnes pratiques du secteur, le franchiseur pourra établir un plan de formation pour aider le franchisé à améliorer ses faiblesses. Dès lors, celui-ci doit faire preuve d’ouverture pour recevoir l’aide que lui accorde le franchiseur.

Un processus rigoureux et exigeant

D’un point de vue financier, l’acquisition d’une franchise est un processus très balisé. « Habituellement, le franchiseur s’est déjà entendu avec la banque sur un programme de financement pour ses franchisés », explique Sylvain Corbeil, responsable du développement corporatif et des affaires chez Raymond Chabot Grant Thornton. Pour une franchise qui coûte 1 million de dollars, illustre-t-il, le franchisé devra avancer une mise de fonds de 250 000 $, soit 25 % du prêt total. « La banque accordera également une marge de crédit pour les opérations », précise le spécialiste en financement d’entreprise.

D’un point de vue juridique, la marge de manœuvre est tout aussi réduite. « Le franchiseur a établi une convention de franchise pour protéger son réseau et par souci d’équité envers ses franchisés. Une personne qui veut négocier point par point une convention ne serait pas la candidate idéale pour ce modèle d’affaires », explique Chanel Alepin, avocate du cabinet Alepin Gauthier Avocats, détentrice d’une certification CFE (Certified Franchise Executive). « À la base, on consulte un avocat pour comprendre une convention et en vérifier la légalité. »

Dans le processus, les futurs franchisés doivent eux aussi s’attendre à se faire questionner. « Quand une personne dit “je veux une franchise”, il y a beaucoup de questions qui viennent après, pour comprendre ses motivations, prévient Chanel Alepin. Le franchiseur ne veut pas un investisseur qui ne mettra jamais les pieds dans son commerce ; il cherche une personne qui va mettre la main à la pâte. »

Savoir se débrouiller seul

Avec son double chapeau de multifranchisée Subway et franchiseuse de SushiTaxi, Rosanne Giguère confirme cette réalité. « Bien sûr, le franchiseur sera toujours là pour appuyer le franchisé, lui donner des outils et lui montrer le chemin du succès. Mais devenir un franchisé de SushiTaxi, ce n’est pas seulement faire des sushis, c’est aussi embaucher des employés, les former, développer une équipe engagée et faire rayonner la marque dans sa communauté. Être franchisé, c’est beaucoup plus large qu’on peut le penser. »

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