Franchises et religions : une interaction complexe entre foi, commerce et société

Montréal, août 2025 –  Xavier Chambon, Président de Classe Affaires Canada France et président du Conseil d’administration CQF

Depuis les 50 dernières années, partout dans l’ensemble des continents développés, les peuples de toutes les origines, de toutes les confessions immigrent, s’installent en famille entreprennent, et s’intègrent en mixité ou en communauté.

Dans un pays communautaire comme le Canada, c’est d’autant plus vrai que le pays déclare plus de 450 origines ethniques ou culturelles.

Dans ce contexte, l’univers des franchises doit aussi compter sur cette réalité. Elle ne doit pas se limiter à la simple duplication de modèles économiques performants. Elle peut proposer des concepts qui s’adressent à des communautés dont les valeurs religieuses profondes façonnent le fonctionnement, la stratégie et l’identité des bannières. Cette intégration de la foi dans le commerce n’est pas un phénomène marginal, mais une réalité en pleine expansion qui soulève des questions sur les limites, les avantages et les éventuels conflits d’intérêts entre commerce et convictions religieuses.

Franchises religieuses : qu’entend-on par cela ?

Certaines franchises se revendiquent ouvertement d’une appartenance religieuse, intégrant des principes éthiques et des pratiques inspirées par leur foi. On parle alors de franchises confessionnelles, à l’exemple de :

  • Chick-fil-A : une chaîne de restauration rapide américaine célèbre pour sa fermeture le dimanche, signe de respect du repos dominical chrétien, mais aussi pour ses valeurs d’intégrité et de service à la communauté.
  • Hobby Lobby : une enseigne de loisirs créatifs où la dimension chrétienne se traduit dans la gestion RH et les engagements sociaux.
  • Office Pride Commercial Cleaning Services : société de nettoyage dont la mission affichée est d’honorer Dieu, de pratiquer l’intégrité et d’avoir un impact positif sur la société.
  • Keller Williams : réseau immobilier qui place « Dieu, la famille puis le business » au cœur de sa culture d’entreprise.
  • En Asie, notamment en Malaisie ou en Indonésie, certaines franchises locales adoptent un modèle inspiré de la finance islamique, qui interdit les intérêts et prône une certaine éthique des affaires.

Dans ces exemples, la religion n’est pas un simple argument marketing : elle structure la gouvernance, les procédures internes et la relation avec les clients et collaborateurs.

Cependant, cette approche pose aussi des questions et des défis. Comment concilier impératifs de rentabilité et exigences morales, surtout dans un environnement pluraliste ou face à des contraintes juridiques sur la neutralité religieuse ? Également, les décisions commerciales peuvent parfois entrer en conflit avec les dogmes, entraînant des débats internes et de potentiels conflits avec la société civile. Enfin, un ancrage religieux affirmé peut aussi susciter un sentiment d’exclusion chez des collaborateurs ou des clients qui ne partageant pas cette foi, ou être une source d’isolement pour l’entrepreneur.

Halal, casher et franchises alimentaires : Des standards religieux devenus commerciaux

Les exemples les plus évidents d’influence religieuse se retrouvent dans la restauration rapide. Plusieurs franchises adaptent leurs menus pour répondre à des exigences religieuses :

  • Halal : De nombreuses chaînes internationales (comme Subway, O’Tacos, KFC ou Domino’s dans certains pays) proposent des versions 100 % halal de leurs produits pour respecter les préceptes de l’Islam, et s’adresser ainsi à un marché à fort potentiel.
  • Casher : Certaines franchises juives ou implantées dans des quartiers à forte population juive orthodoxe adaptent leurs produits et leur logistique pour se conformer aux lois alimentaires juives (kashrout).
  • Végétarisme religieux : En Inde, par exemple, plusieurs chaînes doivent composer avec une clientèle hindoue majoritairement végétarienne ou avec des interdits

concernant la viande de bœuf. McDonald’s y a même ouvert des restaurants sans bœuf ni porc, ce qui a modifié leur modèle de franchise classique.

Ces adaptations ne sont pas uniquement des décisions marketing ; elles nécessitent une refonte logistique, des partenariats spécifiques et parfois des processus de certification complexes, intégrés au modèle de franchise.

Quid de la gestion des opérations, des horaires et des calendriers religieux ?

Les obligations religieuses peuvent aussi influencer la gestion opérationnelle au sein des franchises :

  • Repos hebdomadaire : Certaines franchises tenues par des entrepreneurs juifs pratiquants ferment le samedi (shabbat), ou des franchisés musulmans adaptent leur emploi du temps pendant le Ramadan.
  • Jours fériés religieux : Dans certains pays, le calendrier religieux (comme les fêtes chrétiennes, musulmanes ou hindoues) influe sur les heures d’ouverture et le rythme de travail, ce qui peut conduire les franchiseurs à autoriser une flexibilité locale.

Quels sont les défis et les opportunités ?

Pour un franchiseur international, les différences religieuses peuvent représenter un défi de standardisation, mais aussi une opportunité stratégique. Cela demande de la souplesse dans les manuels des opérations et une reconnaissance des spécificités locales. Cela peut aussi renforcer la proximité avec les consommateurs et favoriser une intégration réussie dans un marché culturellement sensible.

Entre standardisation et croyances locales

L’interaction entre franchises et religions façonne aujourd’hui de nouveaux modèles d’entrepreneuriat éthique et engagé, les modèles d’affaires en franchise ne sont pas déconnectés des réalités culturelles et spirituelles. Loin d’être anecdotiques, les influences religieuses peuvent transformer en profondeur les pratiques, les produits, les horaires, voire les valeurs d’un réseau.

Pour réussir à l’international ou dans des contextes multiculturels, les franchiseurs doivent savoir conjuguer standardisation et respect des croyances locales. Le dialogue interreligieux, le respect du pluralisme et l’innovation sociale seront les clés pour que ces modèles continuent de conjuguer foi, succès commercial et impact social positif. Une franchise qui sait s’adapter aux réalités religieuses n’y perd pas en cohérence — elle y gagne souvent en pertinence.