CAHIER SPÉCIAL FRANCHISE – JOURNAL LES AFFAIRES – 19 FÉVRIER 2025 rédaction:  Philippe-Jean Poirier

De 2022 à 2024, le nombre d’employés « franchisés » a augmenté dans toutes les régions du ­Québec et dans tous les secteurs importants de la franchise. (Photo: Adobe Stock)

FRANCHISES. De 2013 à 2024, le nombre d’entreprises structurées selon un modèle de franchise a bondi de 390 à 617 au Québec. Aux côtés des grandes bannières telles que Subway, Tim Hortons ou Couche-Tard, se sont joints des réseaux de franchiseurs émergents comme Soluflex, Bougeotte et Placotine ou encore Colombus Café. Il n’y a pas à dire, ce modèle d’affaires connait un réel engouement.

Dans l’ensemble, le nombre de commerces « franchisés » a progressé de 15 000 à 25 500, ce qui donne aujourd’hui du travail à 351 100 employés tout en générant des revenus de 88,8 milliards de dollars. C’est ce que révèle la plus récente étude du Conseil québécois de la franchise (CQF), publiée en février 2025.

Pour Alain Audet, PDG du CQF, il va de soi que le modèle a fait ses preuves. « Plus de 95 % des franchises sont encore en opération cinq ans après leur ouverture, alors que dans l’entreprise indépendante, on tourne autour de 50 % », annonce-t-il d’entrée de jeu, en rappelant des chiffres de l’étude de 2023. « Sur un horizon de 14 ans, le taux de survie des franchises québécoises oscille de 80 % à 85 %, alors que le taux de survie moyen des entreprises canadiennes [sur 13 ans] se trouve sous la barre de 40 % », annonce-t-il, juxtaposant des données internes avec celles de Statistique Canada.

Les statistiques les plus récentes confirment la résilience du modèle. « Cette croissance-là s’est faite malgré la COVID, qui a été suivie d’un ralentissement économique, où les banques n’étaient pas très friandes de prêter de l’argent, fait-il valoir. De plus, nous avons eu une baisse dans le secteur de la construction, ce qui a compliqué la recherche d’emplacements commerciaux. »

De nouveaux arrivants

En dépit du contexte, de nouvelles bannières continuent d’apparaître au Québec. « Beaucoup de franchises québécoises se sont lancées ; c’est un phénomène qui n’existait peut-être pas il y a 10-12 ans. Ensuite, nous avons vu arriver beaucoup de groupes européens et américains sur le territoire canadien. »

Le mouvement ne se limite pas à la restauration, précise-t-il. De 2022 à 2024, le nombre d’employés « franchisés » a augmenté dans toutes les régions du Québec et dans tous les secteurs importants de la franchise : restauration (+7,5 %), transport (+7,7 %), alimentation (+5,9 %), soins de santé (+5,2 %), vente au détail (+1,9 %). « C’est une réelle force économique », dit-il.

Par ailleurs, le PDG du CQF note que les franchiseurs ont pris le train du marketing numérique. « Dans les trois à cinq dernières années, les franchiseurs ont commencé à recruter des franchisés sur les médias sociaux, en se présentant comme un modèle d’affaires à succès. » Selon lui, ces campagnes auraient positivement influencé la perception du public envers le monde de la franchise. « Aujourd’hui, c’est vu comme étant plus accessible. Dans tous les types de commerces, d’entreprises ou de carrières, il y a potentiellement un modèle de franchise dans lequel une personne peut s’investir. »

Départs et inquiétudes

Malgré ces bonnes nouvelles, le secteur n’est pas exempt de défis. Le premier est celui de la transition générationnelle ; beaucoup de départs à la retraite sont à prévoir chez les propriétaires franchisés. « Il y a environ le quart de nos franchisés qui opéreront une transition ou qui partireront dans les cinq à dix prochaines années, ce qui est énorme », estime Alain Audet. Les franchiseurs peuvent jouer un rôle dans cette transition, car ils ont les ressources pour accompagner les cédants dans leur plan de relève.

Pour Éric Dufour, vice-président régional et leader national en transfert d’entreprise de la firme Raymond Chabot Grant Thornton, il s’agit d’une belle occasion pour la nouvelle génération d’entrepreneurs de prendre sa place. « Le Québec inc. a été construit avec des propriétaires uniques qui prenaient toutes les décisions. Aujourd’hui, les jeunes veulent travailler collectivement ; ils ne sont pas l’autorité ou le contrôle et ils acceptent de recevoir de l’aide. En ce sens, la franchise est un modèle particulièrement bien adapté pour eux. »

Seule ombre au tableau : les menaces tarifaires de Donald Trump aux États-Unis. « Depuis six semaines, c’est la question qui revient le plus souvent du côté des associations de franchisés ou des maîtres franchisés », nous apprend Frédéric Gilbert, avocat en droit de la franchise de Fasken. Les franchisés se demandent notamment quelle sera l’incidence sur leur réseau d’approvisionnement. En d’autres mots : est-ce que les franchiseurs pourront maintenir les tarifs préférentiels obtenus auprès de leurs fournisseurs ?

L’avocat de Fasken se veut rassurant. « Le Québec est la seule province où les franchisés sont protégés par la théorie des obligations implicites. » Il s’agit d’obligations imposées aux franchiseurs, même si elles ne sont pas écrites dans le contrat. « Le franchiseur a une obligation de moyens de protéger le franchisé contre la concurrence, poursuit-il. Il a aussi une obligation d’approvisionnement ; il doit faire un effort pour que le franchisé s’approvisionne en produits sur un prix compétitif. » Voilà qui pourra rassurer les futurs franchisés qui songent à se lancer dans l’aventure.

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