« Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante »                                                            George Orwell, Écrivain

 

C’est du jamais vu! Auparavant, 2 à 3 générations avaient l’habitude de se côtoyer sur le marché de l’emploi. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, nous nous retrouvons avec 4 générations en simultané dans nos entreprises et nos réseaux de franchise ; les baby-boomers, les X, les Y et les Z. La situation n’est évidemment pas simple à gérer d’autant plus que les générations Y et Z ont mauvaise presse auprès des gestionnaires. Ces derniers reprochent aux employés de ces tranches d’âge d’être moins productifs et plus paresseux face à l’effort. Ils seraient également moins fidèles à l’entreprise.

Bien qu’il y ait effectivement des différences entre chacune des générations, dans les faits, ce que l’on constate est qu’il y a beaucoup plus de similitudes entre elles que ce que l’on pense. Peu importe la génération à laquelle nous appartenons, interagir socialement est complexe, mais est une nécessité pour tous. Il est en effet prouvé qu’au bas de la fameuse pyramide de Maslow, nous devrions retrouver non pas les besoins physiques, mais bien les besoins sociaux. Donc, si la relation avec ses pairs est un besoin primordial, pourquoi est-ce alors un défi de tous les jours de gérer les interactions avec les autres et de garder une harmonie dans un groupe? Plusieurs hypothèses sont possibles, en voici quelques-unes :

 

Notre cerveau n’a pas l’habitude des différences

Nous l’avons dit, interagir socialement est complexe et cela implique l’utilisation d’un pourcentage élevé des fonctionnalités de notre cerveau. Selon le contexte, nous réagissons de deux façons : 1) utiliser le X-System de notre cerveau. Ce dernier réagit de façon automatique et par habitude et donc, n’utilise que très peu d’énergie et se fait relativement facilement. Ou plutôt, 2) Le C-System qui réagit de façon contrôlée, ce qui oblige à faire des efforts supplémentaires pour analyser une situation, creuser dans sa mémoire pour comparer des situations semblables, tenter de comprendre son interlocuteur, prendre une décision sur le langage à utiliser, etc. Quel est le lien entre les diverses générations? Bien que des chevauchements puissent exister entre les différentes tranches d’âge, en général, chacune partage certaines valeurs, à un cadre de référence commun, a des attentes similaires en termes de vie personnelle et professionnelle et une perception semblable d’une même situation. Nous pouvons imaginer qu’interagir socialement avec des gens qui nous ressemblent demande moins d’énergie à notre cerveau parce que les communications se font par habitude et surtout, plus facilement. À l’opposé, cohabiter professionnellement avec quelqu’un qui perçoit les choses de manière différente, qui n’a pas les mêmes bases de références et qui a des attentes de la vie fondamentalement opposées, demande énormément d’énergie. Nous n’avons pas l’habitude de le faire et ce n’est pas un automatisme. Nous posons donc l’hypothèse qu’il est plus simple et moins énergivore pour un baby-boomer d’interagir avec un autre baby-boomer, un X avec un X, un Y avec un Y, etc. Analyser les réactions d’un représentant d’une autre génération, s’appliquer à les comprendre et se faire comprendre, etc., demande une capacité sociale supérieure et demande plus d’efforts.

Un truc, entraînez-vous! Plus une action est répétée plus votre cerveau créera des connexions vous permettant de garder la situation en mémoire et permettra éventuellement de rendre cette action automatique et simple à exécuter. Au lieu de voir les interactions avec les nouvelles générations comme une tâche ardue et complexe, prenez le temps d’analyser vos échanges. Il suffit de revoir ce qui s’est dit, les émotions que vous avez ressenties, comment l’autre a réagi, comment vous auriez pu agir autrement, etc. Chaque analyse contribuera à rendre vos prochains contacts sociaux plus simples et efficaces puisque votre cerveau en arrivera à gérer ces différences de façon plus automatique. Le défi n’en sera que moins grand.

 

D’office, nous développons un sentiment d’appartenance envers notre groupe

Plusieurs études ont prouvé que dès que nous répartissons des gens en équipe, ces derniers ont tendance à développer un certain sentiment d’appartenance envers cette équipe et une connivence plus naturelle avec les membres qui l’a compose. Le fait de constamment faire référence à des groupes distincts tels les X et les Y et de clamer haut et fort leurs différences, contribue à amplifier et à maintenir les écarts entre chacune de ces générations. Pourquoi ne pas mettre l’emphase et l’énergie sur un but commun au groupe auquel tous peuvent adhérer et ainsi cesser de creuser le fossé entre tous? Créez-vous plutôt votre propre identité organisationnelle axée sur la culture de votre bannière. Cela permettrait non pas de mettre l’emphase sur les disparités, mais sur ce qui vous rassemble comme groupe et ce qui vous mobilise.

 

Du JE au NOUS

Toujours dans le contexte des relations interpersonnelles, certaines personnes agissent naturellement de façon plus individualiste ou collectiviste. Nous avons tendance à associer les nouvelles générations à des gens plutôt individualistes, mais dans les faits, peu importe la génération, les deux modes de pensées sont très présents. Ils sont influencés par le contexte d’une situation qui amène le cerveau à réagir d’une certaine façon plus que par l’âge en soi. La difficulté de gérer un réseau implique de développer un souci individuel pour le succès collectif. La façon de communiquer, de motiver et de gérer impacte le sentiment de faire partie ou non d’un groupe et le choix d’un individu d’agir en gardant l’accent sur ses succès personnels ou ceux de l’équipe. Juste le fait de cesser de parler au JE ou au VOUS et parler en NOUS lors des échanges peut faire une différence importante sur la capacité des individus à penser aux intérêts du groupe. Il faut aussi que chacun perçoive un intérêt personnel à participer aux succès du clan dans lequel il évolue, « What in it for me ».

 

Éliminer l’effet de contre-balancier

Il est prouvé que lorsque nous effectuons une tâche, les fonctions de notre cerveau responsables des interactions sociales tombent « en mode veille » et l’inverse est aussi vrai. Il est donc important d’en avoir conscience lorsque nous menons de front l’accomplissement de tâches concrètes et la gestion des relations interpersonnelles et sociales. Par exemple, animer une réunion ou gérer un atelier de travail demande d’alterner en continu les efforts pour garder l’accent sur une tâche puis en même temps de gérer l’aspect social. Pour faciliter le tout, il pourrait être intéressant lors de situations plus complexes, de répartir ces deux responsabilités en deux personnes. L’une responsable de gérer les interactions prenant ainsi le soin d’optimiser l’apport de tous, de mobiliser et d’éviter les conflits et l’autre, qui serait responsable de l’accomplissement du projet. Un seul gestionnaire peut évidemment y arriver, mais il devra avoir conscience de la difficulté de gérer ses deux aspects en simultané.

 

En conclusion, ce qui rend réellement complexes les relations entre les membres d’un groupe, ne sont pas uniquement leurs statuts générationnels, leurs valeurs personnelles, leurs cadres de références, ni leurs attentes. Il s’agit aussi du fonctionnement naturel du cerveau de chaque individu. Prendre soin de comprendre ce qui tisse les liens sociaux plutôt que de mettre l’emphase sur les différences conflictuelles qui distinguent les générations. Cela aura pour effet de bâtir des liens solides entre les membres de votre réseau et de réduire les possibilités de conflits. Par le fait même, augmenter les chances que les actions de chacun aient pour objectif le succès du groupe plutôt que d’entretenir les conflits, les actions individualistes et le manque de cohésion au sein de la bannière.

 

Sylvie Grégoire, MBA, CRHA

Présidente

Totem performance organisationnelle

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