Gérer un réseau de franchises est de plus en plus exigeant. Non seulement la concurrence s’intensifie dans bien des secteurs d’activité, mais les ressources humaines, capitales pour l’entreprise, ne souhaitent plus être « gérées », mais bien comprises, appuyées, autonomes, heureuses, développées, etc. Il devient alors complexe de garder à la fois un haut niveau de performance au sein de son réseau et de maintenir un degré de bonheur au travail qui favorise la rétention, voire l’attraction des meilleurs talents.

Outre les questions contractuelles qui sont d’une importance capitale en franchise, optimiser la qualité des relations l’est tout autant. Les entreprises dont les ressources humaines sont heureuses surpassent la concurrence de 20 %, et les gens y sont 12 % plus productifs (les malheureux sont 10 % moins productifs coûtant même plus de 300 milliards chaque année aux entreprises américaines).[1] Les relations interpersonnelles de qualité ne passent entre autres pas par la capacité individuelle de régulation de ses émotions. Les émotions sont effectivement à la source de plusieurs conflits en entreprise ou frustrations qui, si mal pris en main, peuvent dégénérer gravement. Il n’est certes pas toujours possible d’éviter les conflits, mais des tactiques individuelles, en accord avec le NeuroLeadership, peuvent être appliquées pour mieux les gérer, voire les prévenir.

MODIFIER UNE SITUATION OU L’ÉVITER

Plusieurs spécialistes en gestion de conflits préconisent à tout prix de ne pas fuir un conflit sous peine que ce dernier dégénère. Effectivement, l’évitement peut, à court terme, soulager, mais avec une telle stratégie, la source du conflit n’est pas éradiquée et donc se répétera probablement. Toutefois, la neuroscience nous enseigne qu’il peut être pertinent dans certains cas d’éviter une situation pour prévenir la génération d’émotions négatives. Exemple : si vous savez pertinemment que mettre en contact l’un de vos conseillers avec un certain franchisé fait des étincelles à coup sûr, vous pourriez choisir de ne pas les jumeler plutôt que vous battre contre l’inévitable. Vous pouvez aussi choisir de sélectionner différemment les franchisés de votre réseau, en excluant systématiquement certains profils, en valorisant ainsi l’adéquation de ce dernier avec les membres actuels de votre réseau.

DÉTOURNER SON ATTENTION

C’est inévitable, tous rencontreront, au cours de leur carrière, des individus avec qui cela « ne colle pas ». Que ce soit causé par des préoccupations différentes, des besoins opposés, des profils de personnalité distincte, des attentes qui ne concordent pas ou simplement des façons différentes de percevoir les choses, il y a de nombreuses raisons à cela. En tant que franchiseur, vous pouvez aider ces personnes à mettre l’accent sur des éléments moins perturbants pour eux, c’est-à-dire de déployer leur attention ailleurs que sur ce qui génère les émotions négatives. À défaut de pouvoir changer la personnalité de chacun, nous détournons l’attention des irritants. Exemple, un conseiller frustré par le côté très directif et contrôlant d’un franchisé (et l’inverse est aussi vrai) pourrait identifier le trait de personnalité qui l’accroche et ensuite choisir de mettre son attention sur les résultats/la performance de ce dernier plutôt que sur l’aspect de sa personnalité qui dérange.

RÉÉVALUER LA SITUATION

Une même situation, si elle est vue de manière différente, peut facilement générer des émotions plus positives. Prenons le cas d’un franchisé qui, lors des rencontres sectorielles, se plaint de tout. Fort est à parier que vous vous sentirez frustrés de la situation. Par contre, si vous réévaluez la situation en vous disant qu’au lieu d’être frustrant, ce franchisé vous donne l’opportunité d’être au fait de problèmes que les autres membres du réseau n’osent peut-être pas aborder. Bien que cela soit difficile à entendre, une partie de ses récriminations sont peut-être vraies. Cette façon de faire peut transformer votre émotion négative en améliorations organisationnelles.

APPOSER UNE ÉTIQUETTE SUR SON ÉMOTION

Une excellente façon de réguler son émotion est de la transposer en mots. Nous avons tous entendu des trucs tels : parlez-en au JE, nommez ce qui vous offusque, etc. Sachez qu’à la base, des études sur le fonctionnement du cerveau ont démontré que donner un label à ses émotions aide à détourner considérablement l’accent mis sur l’émotion en soi et réduisant ainsi son impact physique et psychologique sur nous. Il est aussi prouvé qu’à long terme, cette technique contribue à faire en sorte qu’une même situation génère des émotions moins intenses. Et attention, nous pourrions être portés de vouloir nommer notre émotion en utilisant un mot positif ou neutre, mais non représentatif de la réelle émotion, question de « préserver » notre interlocuteur. Cependant, les résultats des tests prouvent une moins grande efficacité. Prenons une fois de plus l’exemple du franchisé qui se plaint de tout. Si vous associez l’émotion générée au nom du franchisé, à son territoire ou autre, l’effet sur votre niveau de stress et la diminution de l’intensité de l’émotion seront moindres que si le mot rattaché à l’émotion générée est, par exemple, dérangeant, négatif, perturbant, etc. Cette stratégie, en apparence très simple, est très puissante pour aider à diminuer les effets d’une situation sur nous et fonctionne tant à court terme qu’à long terme.

Une chose est certaine, les études démontrent[2] que de tenter d’ignorer son émotion aura pour conséquence d’augmenter son niveau de stress, son inconfort physique et mental ainsi que possiblement devenir la source de conflits entre les acteurs de votre réseau. La clé est de prendre totalement conscience de son émotion négative. Cela aidera par la suite à choisir la bonne stratégie pour la régulariser et aura pour effet physique de réduire notre niveau de stress (par une diminution de l’activité de l’amygdale du cerveau) et augmenter notre niveau de bonheur. En résumé :

  • Prenez conscience de l’émotion négative qui vous habite.
  • Choisissez la tactique qui est la plus adaptée et la plus efficace compte tenu de la situation. Assurez-vous que vos choix de tactique court terme soient accompagnées en 2e lieu d’une tactique long terme pour favoriser l’éradication de la situation.
  • Mesurez, et au besoin ajustez, le niveau d’efficacité de la tactique en prenant conscience des changements.
  • Pourquoi ne pas documenter ce que vous avez vécu et fait pour aider d’autres personnes dans la même situation.

Vous avez déjà pris de mauvaises habitudes de régulation de vos émotions? Rassurez-vous, bien que vos habitudes soient ancrées dans votre cerveau étant donné que chacune de vos réactions a créé des connexions dans votre cerveau qui ne s’effaceront jamais. Il est possible de changer la façon dont nous réagissons en générant de nouvelles connexions. Notre cerveau peut apprendre à réagir différemment à des situations conflictuelles avec un peu de pratique.

Bon entraînement!

 

Sylvie Grégoire, MBA, CRHA

Présidente, Totem Performance organisationnelle

 

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[1] Department of Economics at the University of Warwick

[2] Gross, 2002, Psychology